Depuis le début de la crise, de nombreux acteurs ont fait preuve de résilience. Parmi eux, la fédération française d’aviron. En repensant l’organisation des championnats de France, la FFA a modernisé son image tout en maintenant le lien avec partenaires et pratiquants. Retour sur cet évènement marquant, à plus d’un titre, avec Maxence Schneider, responsable communication de la FFA.
OSD : Bonjour Maxence. Le dernier week-end de janvier, la Fédération Française d’Aviron a décliné ses championnats de France d’aviron indoor sur le terrain virtuel, en organisant l’événement MAIF Aviron Indoor Connecté. C’est la première fois qu’une fédération olympique française organise une telle compétition, officielle, à distance. Au temps des annulations ou reports successifs d’événements sportifs pour les raisons que l’on sait, plus de 2 600 rameurs d’intérieur se sont connectés entre eux et aux différents canaux de la fédération pour s’adjuger le titre suprême.
Qu’est-ce qui a motivé la FFA à décliner cette compétition sur le terrain virtuel, plutôt que de les reporter ou simplement les annuler ?
Maxence Schneider : La réponse tient en deux points. La première est due à la pandémie et à la situation actuelle. En septembre dernier, un dilemme s’est présenté concernant l’organisation des championnats de France d’aviron indoor. En se projetant, nous n’avions pas de vision claire. L’idée était donc d’anticiper, d’envisager un nouveau format. Et puis, ce qui nous a poussés à ne pas annuler, c’est l’ADN de l’aviron. En termes d’outils, cette discipline est intrinsèquement connectée. Donc cette période a permis un coup d’accélérateur sur ce terrain, nous sentant en plus « infaillible » sur cette partie technique pour organiser un tel événement connecté.
Quels défis une telle organisation induit-elle ? Ce fut quand même une première…
MS : On s’est vite rendu compte que l’organisation allait être de taille plus l’événement approchait. On a pu s’appuyer sur des précédents, notamment en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, réussis sur le plan technique.
Pour nous, le défi allait au-delà de l’aspect technique (travail avec un prestataire assez rodé sur le sujet). L’idée était de véritablement événementialiser ces championnats (vidéos, animations, tutoriels, interventions de personnalités comme Tony Estanguet) et de les animer tant pour la communauté de rameurs que pour d’autres publics captifs.
On était une quarantaine sur l’événement, travaillant en collaboration avec les clubs et les organes déconcentrés (sans compter les centaines de bénévoles sur chaque lieu de pratique). On avait par exemple une hotline de techniciens à la Fédération pour aider les pratiquants à bien se connecter, brancher leur caméra, pouvoir participer correctement, etc.
On avait également une équipe dédiée Zoom pour bénéficier des images des concurrents pour animer nos live Facebook et YouTube (plus de seize heures de direct sur le week-end).
Ce fut au final une grosse logistique que nous sommes parvenus à assurer.
Comment maintenir l’illusion d’une compétition alors qu’on ne sent pas le souffle de ses concurrents ? Par quels moyens techniques ? De gamification ?
MS : Si on a pu avoir cette impression, que les concurrents aient le sentiment de se retrouver entre eux, c’est d’abord en grande partie grâce à nos clubs. Car c’était un défi logistique pour l’ensemble de ces clubs (avec les contraintes sanitaires, la mise en place des équipements, la « connexion » à l’événement).
Et par essence, une grande partie de nos pratiquants ont le ressenti de se battre contre eux-mêmes, contre la machine. La notion d’écran interposé n’est donc pas une problématique pour ces compétiteurs. Ils ont surtout pris plaisir à regoûter à une compétition officielle après plusieurs mois sans événements et de se retrouver à travers les clubs et l’aspect connecté et participatif de ce week-end.
Vous avez assuré un vrai relais de l’événement sur différents canaux et réseaux sociaux. Était-ce une réussite au niveau du suivi et de l’engagement ?
MS : Ça a très bien pris. À la fois sur ce qu’on a proposé en amont et sur l’événement lui-même. Chose qui n’était pas évidente de par sa lourdeur (deux gros directs de huit heures le samedi et le dimanche). En termes de chiffres, nous n’avons jamais autant performé. Notre communauté, naturellement très engagée, a bien évidemment répondu présent sur l’ensemble des canaux.
Nous avions comme stratégie de faire parler de l’événement au niveau régional (France 3 Régions, PQR). Un objectif qui a été atteint. On reste cependant un peu frustré au niveau des médias nationaux (seulement quelques secondes dans l’émission Tout le sport).
Nous avons en revanche performé au niveau sportif institutionnel, au sein du mouvement sportif (et notamment de l’implication de Tony Estanguet, président de Paris 2024).
Nous sommes quand même assez satisfaits en vue des objectifs que nous nous sommes fixés.
Outre la nécessité de maintenir le lien et l’émulation par la compétition (baisse du nombre de licenciés substantielle), avez-vous pour objectif de conquérir de nouveaux publics grâce aux événements virtuels ?
MS : On a une grosse communauté de rameurs indoor très engagée et impliquée (qui se retrouve notamment sur les réseaux sociaux).
On voit qu’on arrive à attirer des personnes étrangères à l’aviron traditionnel.
Notamment beaucoup de crossfiters qui le pratiquent dans leurs compétitions. C’est clairement un objectif d’aller chercher de nouveaux pratiquants. D’autant plus que c’est une pratique plus accessible géographiquement (pas besoin de plan d’eau) et en termes de coût, même si cela nécessite un certain investissement. Mais souvent, les ergomètres sont prêtés ou mis à disposition par les clubs. On fonctionne bien avec ce maillage de clubs pour rendre cette discipline indoor plus accessible.
Un événement comme celui-ci offre-t-il de nouvelles opportunités de partenariats ?
MS : La MAIF est notre partenaire institutionnel historique. Donc une grosse partie de ce partenariat est mise en œuvre sur l’aviron indoor (partenaire-titre des championnats). Il y a effectivement de nouvelles opportunités, mais le manque de temps et surtout l’ensemble des défis pour mettre sur pied l’événement nous ont naturellement dirigés vers nos partenaires acquis.
Nous ne l’avons pas étendu mais on sent bien qu’il y a des potentialités et pas seulement sur l’aspect connecté, mais sur l’ensemble de l’aviron indoor. Et particulièrement sur nos programmes affinitaires, d’aviron-santé, comme Avirose, qui peuvent intéresser des marques non-endémiques.
Souhaitez-vous maintenir cet événement, même avec un retour à la normale ? Ou en faire une discipline complémentaire ?
MS : Notre volonté est de retrouver les stades et salles (Stade Charléty, Salle Pierre-de-Coubertin) pour pouvoir accueillir du public. Rien n’est officiellement acté. Globalement, les participants ont été majoritairement très satisfaits de cet événement connecté.
Cependant, une bonne partie a plaisir à le disputer en présentiel, en situation « normale ».
Comme nous l’avions annoncé, ce fut une édition exceptionnelle à plus d’un titre.
Quel bilan et quelles réflexions pouvez-vous en tirer ?
MS : Ce format pourra perdurer, car ce fut un beau succès, mais nous le voyons pour le moment davantage comme un complément aux championnats physiques que l’on veut avant tout pérenniser.
On a aussi pu apprécier l’implication et l’enthousiasme de clubs qui habituellement ne participent pas aux championnats, parce qu’ils ne sont pas compétitifs, qu’ils sont trop éloignés ou qui ne souhaitent simplement pas participer. On a pu donc toucher une nouvelle cible au sein de notre écosystème. Reste à voir comment on pourra décliner ces événements virtuels et jongler entre ces deux disciplines.
Car on se rend compte que l’aviron indoor est une discipline importante pour nous, qui nous permet de séduire de nouveaux licenciés et d’adresser des publics que nous n’avons pas l’habitude de toucher, mais que l’aviron de rivière est le plus gros de notre activité. On aurait tendance à tout miser sur l’ergomètre en ce moment. Mais nous devons rester humbles. La grande majorité de nos licenciés sont sur des bateaux. Un des grands défis qui se pose est de savoir comment transposer cette pratique connectée à ce format classique qui est notre essence. Il nous faut réfléchir à de nouveaux formats, un peu à la manière de Strava en cyclisme (avec l’idée de collecter des données pour se mesurer, soi-même comme aux autres).
Il y a enfin une grande marge de manœuvre en termes d’objets connectés appliqués à l’aviron (rapprochement avec Kinomap pour aborder la question). Mais tout cela reste au stade de la réflexion.
Propos recueillis par Adrien Manceau.